Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/56

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autres conformations rudimentaires du système reproducteur[1].

On ne saurait se méprendre sur la portée des trois grandes classes de faits que nous venons d’indiquer, mais il serait superflu de récapituler ici toute la série des arguments déjà développés en détail dans mon Origine des espèces. Une construction homologue de tout le système, chez tous les membres d’une même classe, est compréhensible, si nous admettons qu’ils descendent d’un ancêtre commun, outre leur adaptation subséquente à des conditions diverses. La similitude que l’on remarque entre la main de l’homme ou du singe, le pied du cheval, la palette du phoque, l’aile de la chauve-souris, etc., est absolument inexplicable par toute autre hypothèse[2]. Affirmer que ces parties ont toutes été formées sur un même plan idéal, n’est pas une explication scientifique. Quant au développement, en nous appuyant sur le principe des variations survenant à une période embryonnaire un peu tardive et transmises par hérédité à une époque correspondante, nous pouvons facilement comprendre comment il se fait que les embryons de formes très différentes conservent encore, plus ou moins parfaitement, la conformation de leur ancêtre commun. On n’a jamais pu donner aucune autre explication du fait merveilleux que les embryons d’un homme, d’un chien, d’un phoque, d’une chauve-souris, d’un reptile, etc., se distinguent à peine les uns des autres au premier abord. Pour comprendre l’existence des organes rudimentaires, il

    n’a chez l’homme que de trois à six lignes de longueur, mais, comme tant d’autres parties rudimentaires, il varie par son développement et ses autres caractères.

  1. Owen, Anat. of Vertébrates, t. III, pp. 675, 676, 706.
  2. Le professeur Bianconi essaie, dans un ouvrage publié récemment et illustré de magnifiques gravures (la Théorie darwinienne et la création dite indépendante, 1874) de démontrer que l’on peut expliquer complètement par les principes mécaniques concordant avec l’usage auquel elles servent l’existence de toutes ces conformations homologues. Personne plus que lui n’a mieux démontré combien ces conformations sont admirablement adaptées au but qu’elles ont à remplir ; mais je crois qu’on peut attribuer cette adaptation à la sélection naturelle. Quand le professeur Bianconi considère l’aile de la chauve-souris, il invoque (p. 218) ce qui me paraît, pour employer le mot d’Auguste Comte, un simple principe métaphysique, c’est-à-dire, la conservation dans toute son intégrité de la nature mammifère de l’animal. Il n’aborde la discussion que de quelques rudiments et seulement des parties qui sont partiellement rudimentaires, telles que les petits sabots du cochon et du bœuf qui ne reposent pas sur le sol ; il démontre clairement que ces parties sont utiles à l’animal. Il est à regretter qu’il n’ait pas étudié et discuté d’autres parties, telles, par exemple, que les dents rudimentaires qui chez le bœuf ne percent jamais la gencive, les mamelles des quadrupèdes mâles, les ailes de certains scarabées ailés qui existent sous des élytres complètement soudées, les traces du pistil et des étamines chez diverses fleurs, et beaucoup d’autres cas analogues. Bien que j’admire beaucoup l’ouvrage du professeur Bianconi, je n’en persiste pas moins à croire avec la plupart des naturalistes qu’il est impossible d’expliquer les conformations homologues par le simple principe de l’adaptation.