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NOUVELLE-ZÉLANDE.

veaux-Zélandais : peut-être ont-ils une énergie supérieure à celle des Taïtiens, mais sous tous les autres rapports ils sont inférieurs. On n’a qu’à les regarder l’un et l’autre pour être convaincu que l’un est un sauvage, l’autre un homme civilisé. On chercherait en vain dans toute la Nouvelle-Zélande un homme ayant l’expression et le port du vieux chef taïtien Utamme. Peut-être est-ce parce que les singuliers dessins du tatouage des Nouveaux-Zélandais leur donnent un aspect désagréable. On est étonné et tout surpris, quand on n’y est pas habitué, de voir les dessins compliqués, bien que symétriques, qui leur couvrent tout le corps ; il est probable, en outre, que les profondes incisions qu’ils se font sur la face détruisent le jeu des muscles superficiels et leur donnent un air de rigide inflexibilité. Mais à côté de cela ils ont quelque chose dans le regard qui indique certainement la ruse et la férocité. Ils sont grands et forts, mais on ne peut les comparer, sous le rapport de l’élégance, même aux classes inférieures de Taïti.

Leur personne et leurs maisons sont très-sales et émettent une odeur horrible, il semble qu’ils n’aient jamais eu l’idée de se laver ou de laver leurs effets. J’ai vu un chef qui portait une chemise toute noire et si couverte d’ordures, qu’elle en était roide ; je lui demandai comment il se faisait qu’elle fût si sale : « Mais ne voyez-vous pas, répondit-il d’un air tout étonné, que c’est une vieille chemise ? » Quelques hommes portent des chemises, mais le costume principal du pays est une grande couverture, ordinairement couverte d’ordures, qu’ils portent sur l’épaule de la façon la plus disgracieuse. Quelques-uns des principaux chefs ont des habits anglais assez propres, mais ils ne les portent que dans les grandes occasions.

23 décembre. — Les missionnaires ont acheté quelques terrains pour y établir des cultures à un endroit appelé Waimate, à environ 15 milles de la baie des îles et à moitié chemin entre la côte occidentale et la côte orientale. J’avais été présenté au révérend W. Williams, qui, quand je lui en exprimai le désir, m’invita à lui rendre visite dans son établissement. M. Bushby, le résident anglais, m’offrit de me conduire en bateau dans une crique où je verrais une jolie cascade, ce qui en outre raccourcirait de beaucoup la route que j’aurais à faire à pied. Il me procura aussi un guide. Il demanda à un chef voisin de lui recommander quelqu’un pour me guider et le chef s’offrit à m’accompagner lui-même ; ce chef ignorait si complètement la valeur de l’argent, qu’il me demanda d’abord combien