Page:Dash - Un amour coupable.djvu/20

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rieur sérieux, présidé par ce noble vieillard, ne s’animait que rarement aux joyeux rires des jeunes filles. La mère, malade, d’un aspect mélancolique et doux jusqu’à la timidité, accoutumée à la domination de son mari, ne connaissait d’autre volonté que la sienne. Maître et souverain chez lui, M. de Sainte-Même était un de ces hommes d’autrefois, poussant le culte de l’honneur jusqu’au fanatisme. Il avait coutume de dire que Virginius était son héros et qu’il tuerait certainement sa fille ou sa femme plutôt que de les savoir coupables, ou seulement soupçonnées. La marquise, modèle de vertu, avait traversé l’époque glissante de Louis XV sans donner prise à la médisance ; la duchesse et mademoiselle de Sainte-Même étaient citées comme des anges terrestres : aussi leur père se trouvait-il parfaitement heureux. La seule ombre au tableau était la santé de sa femme toujours souffrante, toujours rêveuse, semblant agitée d’un trouble inconnu et victime d’un chagrin secret, dont tout son amour, toutes ses instances n’avaient pu lui arracher l’aveu. Non-seulement elle s’obstinait à se taire, mais encore elle niait qu’elle eût rien à confier. Quelquefois son mari finissait par le croire, mais la continuation de ses tristesses lui rendait son incertitude. Madame de Vaujour adorait sa mère et en était adorée ; elle l’entourait de soins, elle prévenait ses désirs, elle cherchait à lire dans ses yeux et à sécher ses larmes prêtes à