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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

ments et les communes, nous avons neuf écoles normales d’institutrices. Environ 32 cours normaux ont, il est vrai, la prétention d’instruire les aspirantes institutrices, mais en réalité ils ne remplissent pas ce but. Quelle que soit la gratuité qu’ils peuvent accorder, ils sont d’une insuffisance dérisoire, parce qu’ils ne dispensent que l’enseignement de l’externat sans qu’il soit pourvu aux besoins matériels de la jeune étudiante : ils la prépareront peut-être tant bien que mal à un examen, sans lui donner la méthode pédagogique ni l’instruction nécessaire aux instituteurs, sans lui laisser aucun équivalent de la protection que le jeune homme pauvre trouve dans les bourses d’internat. En effet, si nous en exceptons les cours pour institutrices protestantes, les neuf dixièmes de nos cours normaux pour préparer à l’examen sont faits par des religieuses dispensées de subir cet examen.

Nos 80 écoles normales d’instituteurs primaires, richement subventionnées, dans des locaux spacieux, pourvues de bibliothèques et de collections scientifiques, reçoivent, en dehors des subsides départementaux et municipaux, deux millions chaque année du budget, pour admettre des boursiers et des pensionnaires à prix réduit. Et ces écoles sont fermées systématiquement à l’administrée et à la contribuable. Il eût été, il serait si facile à nos gouvernements centralisateurs d’opérer ici la fusion des droits et des intérêts particuliers, qui constitue le droit et l’esprit publics, qu’il ne faut pas s’étonner de les voir, ayant agi partout de même, succomber tour à tour sous le faix de leurs injustices accumulées.

Pour rendre à chacun son dû, faut-il créer 80 écoles normales d’aspirantes institutrices ? Mais nous n’avons guère d’argent à dépenser pour les hommes, et nous n’en aurons jamais pour les femmes, tant que nous penserons qu’elles ont trop peu à désirer pour s’occuper de leurs propres affaires, et contribuer à la nomination des mandataires qui doivent les gérer. Il y aurait ici à utiliser tout d’abord complétement le personnel et le matériel de nos écoles normales et à n’en créer d’autres qu’en cas d’insuffisance.