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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

fets : « Dans l’application de la loi, préférez toujours l’interprétation la plus large, la plus libérale, la plus généreuse. » Si vous comprenez enfin, mesdames, l’initiative que réclame la liberté, n’attendez donc pas que M. Thiers, en chair et en os, en corps et en âme, vienne à deux genoux vous faire amende honorable en vous remettant une carte d’électeur ; n’espérez point que, quand vous lui aurez accordé un magnanime pardon, il vous offre son bras pour vous conduire lui-même au scrutin. Quant à moi, je ne suis pas si exigeante et, dussé-je, comme le phénix, être seule de mon espèce, j’épargnerai, soyez-en sûres, cette démarche à l’honorable président de la République française.

D’autres personnes craignent que la femme député ne soit un résultat des droits politiques que nous revendiquons. Il est très-évident sans doute que la femme électeur se complète par la femme éligible, mais il y a loin de là à la femme élue, dans l’état de nos mœurs surtout. Si la femme électeur représente un droit, la femme éligible représente un choix dont nous n’avons pas à nous préoccuper ici ; en effet, ou elle posera sa candidature sans être portée par le flot de l’opinion et alors elle partagera le ridicule inoffensif de ces candidats éternels qui ne retirent de l’urne électorale que la voix dont ils se sont honorés eux-mêmes ; ou cette femme sera désignée par un suffrage unanime si elle a fait preuve de la capacité d’un véritable homme d’État ; alors elle sera parmi les législateurs et les gouvernements ce qu’était Jeanne d’Arc parmi les généraux, et son autorité sera aussi logique et plus salutaire que celle que les reines tirent de leur naissance. Mais cette éventualité, qui ne se réalisera peut être jamais, laisse intacte la question de pondération du droit et du devoir social qu’il est urgent d’établir. À une époque où la science économique est celle de l’équilibriste, il y a lieu de réfléchir mûrement pour se demander comment on pourrait donner à la femme le moyen d’exprimer des aspirations et des vœux qui seraient pris en considération dans l’élaboration des lois. Pour que la démocratie se fonde sur des bases inébranlables, il im-