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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME


LE VOTE DES FEMMES EN ANGLETERRE[1].


DISCOURS DE MADEMOISELLE HARE.


Je ne me serais pas aventurée à prendre la parole dans cette assemblée si l’on ne m’avait dit qu’il est très-désirable qu’un nombre de femmes aussi grand que possible parlent pour lever le doute de certaines personnes qui ne savent si les femmes désirent ou non obtenir la capacité électorale. Il y a aussi un point dont on n’a pas parlé spécialement et sur lequel je voudrais dire quelques mots. Certaines personnes ont pensé qu’une participation à la vie active détruirait sans doute ces sentiments de politesse et de pureté qu’on prise naturellement d’une manière si spéciale chez les femmes. Il me semble que c’est prendre le sujet à rebours et que l’argument, s’il a quelque valeur, s’applique à toute extension du suffrage. S’il y a un si grand mal, une si grande violence morale et physique, une corruption et une agitation si grandes dans le fait de voter ; s’il est démoralisateur pour les femmes de leur donner une part au vote, les mêmes effets se produisent sûrement sur les hommes, et un mal réel doit être fait à tout homme qui acquiert le droit de vote. Pourtant, en réalité, personne ne le pense. Chacun sait qu’un homme est pour l’accomplissement du devoir électoral ce qu’il est pour tout autre devoir : l’indigne et le corrupteur votent indignement et par corruption ; l’esprit élevé et consciencieux vote d’une manière intègre et consciencieuse. Il en sera ainsi pour les femmes. Au lieu de détruire leurs qualités naturelles, l’affranchissement les portera seulement dans le vote, avec cette grande différence qu’après quelque temps les consciencieuses parmi elles se feront un devoir de considérer les

  1. Rapport d’un meeting tenu à Londres par la Société nationale pour le suffrage des femmes.