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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

Pour prendre un exemple entre mille, si les femmes votaient il y aurait une répression beaucoup plus vigoureuse de ces outrages qui constituent un danger sérieux pour les femmes du peuple, contraintes de sortir seules ; outrages que l’inexcusable indulgence de nos cours de justice porte maintenant à leur comble. Si les femmes avaient donné leur suffrage, nous n’aurions pas eu les Contagious Diseases Acts, qui exposent les femmes et les filles des pauvres aux intolérables outrages de l’inspection d’un officier de police[1] ; c’est ce qui arrivera si cette loi est réellement appliquée ; si on l’abroge, si on ne l’étend pas au pays tout entier, c’est grâce à l’esprit public et au courage de ces femmes d’une élévation si distinguée, qui se sont associées pour obtenir l’abrogation de la loi ; ce courage et cet esprit public peuvent être bien appréciés seulement par ceux qui ont stigmatisé le caractère impudent et éhonté de certaines attaques, que des auteurs anonymes firent contre elles dans la presse. Aux adversaires plus dignes et plus honorables qui pensent que ces femmes se trompent et que la voie qu’elles ont adoptée est une indication défavorable de l’usage qu’elles feraient probablement de l’augmentation de leur influence politique, je dirai : « Supposez que cette loi soit aussi bienfaisante que je la crois pernicieuse ; supposez que les femmes qui la désapprouvent ne sont poussées par aucune vue raisonnable sur sa nature et sur ses conséquences, mais par un excès ou une fausse application d’un sens moral particulier que les hommes leur ont inculqué comme leur vertu principale et spéciale. Que s’en suit-il ? N’est-ce pas un mal que les lois d’un pays répugnent aux sentiments moraux d’une moitié de la population qui, de l’aveu de tous, est la plus morale ? Si cette répugnance est fondée sur une erreur, n’aurait-il pas fallu donner du temps, employer des explications et

  1. M. J. Stuart-Mill fait ici allusion à la réglementation qui, en France, soumet une classe de femmes à des mesures ignominieuses au profit des débauchés. Une tentative d’imitation faite en Angleterre y a irrité la conscience publique à tel point qu’elle a failli y exciter une révolution. Voir The Shield, journal créé pour combattre cette mesure.