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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

partenir à la raison et à l’honneur ; qu’il doit à l’ordre public des citoyens utiles bien plus que des héritiers, et que, par conséquent, la loi est bien plus intéressée et fondée à intervenir dans le premier cas que dans le second. De notre incurie à l’égard des mineurs dont l’unique patrimoine consiste dans le développement physique et intellectuel, résultent ces milliers d’enfants, légitimes ou non, livrés à toutes les exploitations dès qu’ils savent se tenir sur leurs jambes ; ces êtres souffreteux, privés d’air et d’aliments, à peine vêtus de haillons ; ces majeurs du prolétariat, ces émancipés de la faim, écrasés à huit ans de travail dans les manufactures pendant qu’un père et une mère, qui ont perdu toutes les vertus du foyer, consument des salaires élevés, dans l’ivrognerie et la débauche[1].

L’instruction obligatoire suffirait-elle en vérité à la protection de ces êtres privés des soins physiques et moraux que leur faiblesse réclame ; n’est elle pas plutôt comprise dans la sanction de cet article du Code :

« Art. 203. Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

Au mot mariage substituons le mot union, appliqué à toute cohabitation légale ou illégale déclarons que le mot élever implique le mot instruire ; détournons un instant nos regards de l’héritier, c’est-à-dire de l’enfant majeur envers lequel ses parents se sont acquittés de leur dette, pour ne considérer que l’être humain, et nous verrons que loin d’être tyrannique la société revendique un droit et accomplit un devoir en sanctionnant les obligations que la raison et la nature font à tout père et à toute mère d’élever leurs enfants.

Espérons aussi, qu’à propos de l’instruction obligatoire, nous ne serons pas assez insensés pour donner une nouvelle immunité au père naturel en chargeant d’un nouveau devoir le père légal. Je n’insiste pas du reste sur

  1. Voir l’Ouvrier de huit ans, par M. J. Simon.