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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

fectionnée pour elle-même ; mais, abstraction faite de ce point de vue, nous pourrons nous convaincre que le développement moral et intellectuel des femmes dans la famille et dans la société est un précieux accroissement de la richesse nationale.

Il est en effet très-important pour le bien de la famille que la jeune fille prenne étendue d’esprit et solidité de caractère dans le calme de l’étude ; que l’épouse échange avec son mari des idées saines et communique à ses enfants des notions justes ; que la ménagère enfin, la maîtresse de maison intelligente, sache économiser et dépenser à propos. Les femmes oisives, futiles et prodigues sont de nos jours un tel fléau que, sous ce rapport déjà, on peut regarder toute instruction comme professionnelle, même pour la femme qui n’a pas besoin de recourir à un métier pour vivre.

Mais c’est la question du gagne-pain que j’examinerai surtout ici, en démontrant que la femme doit trouver dans l’ordre établi les moyens de remplir ses devoirs de famille et de société : d’acquérir des connaissances étendues et solides et d’arriver par la libre développement de ses facultés natives à une occupation productive de revenus. Ce point de vue est capital pour nous, car en France surtout la dissolution de la famille, les besoins nombreux que la licence et l’égoïsme créent trop souvent à l’homme, ont, nous l’avons vu, transformé le devoir paternel même en une vertu facultative et en quelque sorte surérogatoire. C’est ainsi que le mariage, devenu contrat mercenaire, n’est, dans des cas nombreux, qu’un accouplement de capital et de débauche, qui contribue à l’oppression de la femme au même titre que le célibat corrupteur.

De plus, la répartition imparfaite des fruits du travail, la prépondérance abusive du capital, le salaire trop souvent insuffisant de l’homme, le principe même de l’égalité civile, dont l’effet est d’isoler les individus, laissent des millions de femmes qui, dans le mariage, le célibat ou le veuvage, doivent souvent suffire seules à leur entretien personnel, et même à celui de leurs enfants, de leurs ascendants et de leurs collatéraux. Lorsqu’elles n’ont trouvé