Page:Daubié - L'émancipation de la femme, 1871.pdf/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

n’y voient qu’un caprice et pensent qu’elle ne peut avoir aucune portée politique. Ces personnes seraient plus respectueuses pour nos efforts si elles les voyaient incorporés dans un bill actuellement soumis au vote de la Chambre. De plus, dans différentes parties du pays ont eu lieu des discussions et des meetings auxquels les femmes ont pris part ; elles ont ainsi montré leur intérêt pour leur propre affranchissement politique, et contribué à détruire le préjugé encore si fort contre les femmes qui prennent part aux affaires publiques. En discutant sur le bill, on démontrera peut-être que les droits des hommes et ceux des femmes s’appuient exactement sur la même base ; s’il en est ainsi, nous ne pouvons manquer d’obtenir l’adhésion de tous les ouvriers et de tous ceux qui ont pris part à l’agitation qui a précédé le bill de réforme de 1867. Nous pouvons à peine espérer renverser tout d’un coup la haute montagne de préjugés qui s’élève contre le suffrage des femmes ; si l’on ne vote pas notre bill, nous n’en serons donc nullement découragées. Je pense que le premier effet pratique de son rejet serait une notification qu’il sera réintroduit aux premiers jours de la session prochaine. Quelques-uns prétendent que les femmes ne doivent pas être affranchies parce que la plupart d’entre elles sont conservatrices. Je ferai remarquer que les personnes qui usent de cet argument admirent avec ardeur le caractère représentatif du gouvernement de notre pays. Mais est-ce que les institutions représentatives n’exigent pas que toutes les nuances d’opinion aient leur poids légitime et proportionnel dans la législature ? Si la plupart des femmes sont conservatrices, le parti conservateur, dans la chambre des communes, s’y trouve donc disproportionnellement faible, vu sa force dans le pays, et alors le caractère de nos institutions représentatives est violé.

Mais, reprend-on, quel malheur, quelle calamité publique, si le parti de la réaction est affermi ! À cela je répondrai que rien, je crois, n’est aussi propre à fortifier le parti de la réaction que l’antagonisme entre le caractère d’un peuple et la règle sous laquelle il vit. C’est pourquoi je pense que cet argument sera repoussé de toute part.