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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

entre eux, et ils les respecteront en conséquence. De plus, si comme ces hommes bons et réfléchis l’affirment, les femmes sont réellement meilleures et plus nobles, et plus pures et plus idéales que les hommes, avons-nous assez de ces qualités en politique pour nous permettre de les mettre au rebut avec mépris ? La bienfaisance, la générosité, la sincérité d’esprit et la pureté du cœur, sont-elles si nuisibles dans la vie politique pour que nous soyons contraints de les rejeter par crainte d’en avoir surabondance ? Est-ce que cette accumulation de misères, de corruption et d’ignorance qui s’ulcère, de siècle en siècle, dans les bas-fonds de la société, ne vient pas précisément de l’indifférence, de la dureté, de l’égoïsme des hommes ? Les horreurs de la guerre, par exemple, le dérèglement de la société, l’étendard universel d’intérêt personnel en toutes choses, tout cela, nous devons en convenir, est excellemment masculin. Une petite infusion de générosité féminine dans ces choses n’y nuirait pas, et pourrait mitiger un peu de cette action et de cette réaction incessantes, de cette perpétuelle oscillation entre les extrêmes comme le despotisme et l’anarchie, la licence et l’absolutisme, qui est si marquée dans l’histoire ; qui montre d’une manière si évidente le manque d’équilibre dans notre système social, et qui est le résultat exact de ce que nous pouvons naturellement attendre de l’exclusion d’une moitié du genre humain de toute action directe sur les affaires publiques. On ne revendique pas non plus le suffrage des femmes seulement à cause de son influence sur la société tout entière, ou de ses effets sur le caractère des femmes. On le revendique aussi pour mettre celles-ci à même d’insister sur l’exécution de ces réformes que tout le monde regarde comme désirables, mais qui sont toujours mises de côté parce qu’on fait des choses plus pressantes sur la demande des commettants.

Lorsque, il y a trois ans, on proposa pour la première fois à la Chambre des communes d’admettre les femmes aux franchises, plusieurs membres, qui désavouaient toute sympathie avec une idée semblable, exprimèrent toutefois l’indignation la plus vive au sujet des injustices par-