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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/423

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LES ROIS EN EXIL

De l’escalier largement éclairé, Boscovich, qui marchait en avant, l’introduisit dans la chambre précédant celle du roi, obscure comme elle pour empêcher le moindre filet lumineux. Une veilleuse brûlait seulement dans un retrait d’alcôve, à travers des fioles, des potions.

— La reine et madame de Silvis sont auprès de lui… Surtout ne parlez pas… Et revenez vite…

Élisée ne l’entendait plus, le pied déjà sur le seuil, le cœur battant et recueilli. Ses regards inexercés ne pouvaient percer l’ombre épaisse ; il ne distinguait rien, mais entendait venant du fond une voix enfantine récitant, psalmodiant les prières du soir, et bien difficile à reconnaître pour celle du petit roi, tellement elle était lasse, morne, ennuyée. Arrivé à l’un des nombreux « amen, » l’enfant s’interrompit :

— Mère, faut-il que je dise aussi la prière des rois ?

— Mais oui, mon chéri, fit la belle voix grave dont le timbre avait changé aussi, ondulant un peu sur les bords, comme un métal usé par une eau mordante distillée goutte à goutte.

Le prince hésita pour répondre :

— C’est que je croyais… Il me semblait que maintenant ce n’était plus la peine…