Page:Daudet - Au bord des terrasses, 1906.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
REMORQUEURS

Ses bateaux prisonniers lorsque les eaux sont basses,
Et la porte du parc, et l’allée au tournant
Borné de prés, et qui va rejoindre un vieux banc.

Les grands trains annoncés par la longue sirène
Réveillent les échos des bois et de la plaine.
Ils verront tout ce que je ne veux plus revoir,
Ils entendront aussi l’écluse et le battoir,
Et le cri sautillant de la bergeronnette
Dans les roseaux du bord, que le fleuve reflète.

Qu’ils passent… J’ai connu le rêve qui les suit.
Le sillage sans fin qui s’écarte, et conduit
La vague et la pensée aux rives incertaines ;
Projets, illusions, ont escorté ces chaînes
Remontant les chalands, aux cris des mariniers.
Oserais-je encor dire en voyant les derniers :
« Attendez, je reviens ; je mets à votre suite,
Tout ce que j’attendais de l’heure avant sa fuite,
Que le balancement de votre train nombreux
Berce le souvenir sombré des jours heureux… »