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AU BORD DES TERRASSES


Et devant le miroir où tient mon espérance,
Je les vois revêtus de calme et de beauté :
Soit dans leur attitude et leur pli de souffrance,
Ou le rayonnement de leur activité :
Sont-ils bien morts ?

Mon père se penchait ainsi sur sa lecture,
Ou vers son chevalet, unissant des couleurs,
Et relevait son front qu’éclaire et transfigure
La présence de ses enfants contre son cœur.
Cruelle mort !

Ma grand’mère, au soleil, en robe claire et mauve
Parcourait ses jardins, du parterre au verger,
Résignée au sourire ; ayant la foi qui sauve,
Un sort de dévouement si doux à prolonger.
Sereine mort !

Toi, tu n’as pas cessé de vivre en ta famille,
Ta table de travail est au milieu de nous,
Je t’y vois méditant ; et tes fils et ta fille
Se haussant à ses bords, et te défendant tous
Contre la mort !