Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/173

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Les mots sont toujours plus poétiques que les choses. Au lieu du caravansérail que je m’imaginais, je trouvai une ancienne auberge de l’Île-de-France, l’auberge du grand chemin, station de rouliers, relais de poste, avec sa branche de houx, son banc de pierre à côté du portail, et tout un monde de cours, de hangars, de granges, d’écuries.

Il y avait loin de là à mon rêve des Mille et une Nuits ; pourtant cette première désillusion passée, je sentis bien vite le charme et le pittoresque de cette hôtellerie franque perdue, à cent lieues d’Alger, au milieu d’une immense plaine qu’horizonnait un fond de petites collines pressées et bleues comme des vagues. D’un côté, l’Orient pastoral, des champs de maïs, une rivière bordée de lauriers-roses, la coupole blanche de quelque vieux tombeau ; de l’autre, la grand’route, apportant dans ce paysage de l’Ancien Testament le bruit, l’animation de la vie européenne. C’est ce mélange d’Orient et d’Occident, ce bouquet d’Algérie moderne, qui donnait au caravansérail de Mme  Schontz une physionomie si amusante, si originale.

Je vois encore la diligence de Tlemcen entrant dans cette grande cour, au milieu des chameaux accroupis, tout chargés de burnous et d’œufs d’autruche. Sous les hangars, des nègres font leur kousskouss, des colons déballent