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UN TENEUR DE LIVRES



« Brr…, quel brouillard !… » dit le bonhomme en mettant le pied dans la rue. Vite, il retrousse son collet, ferme son cache-nez sur sa bouche, et, la tête baissée, les mains dans ses poches de derrière, il part pour le bureau en sifflotant.

Un vrai brouillard, en effet. Dans les rues, ce n’est rien encore ; au cœur des grandes villes, le brouillard ne tient pas plus que la neige. Les toits le déchirent, les murs l’absorbent ; il se perd dans les maisons à mesure qu’on les ouvre, fait les escaliers glissants, les rampes humides. Le mouvement des voitures, le va-et-vient des passants, ces passants du matin, si pressés et si pauvres, le hache, l’emporte, le disperse. Il s’accroche aux vêtements de bu-