Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/263

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« Eh bien, oui ! j’ai fait deux ans de prison… Et puis, après ?… Au moins, moi, j’ai payé ma dette à la société… Tâche donc de payer la tienne !… »

Cela lui paraissait tout simple : j’ai volé, vous m’avez mis en prison. Nous sommes quittes… Mais tout de même, si le vieux insistait trop là-dessus, Arthur impatienté ouvrait sa porte, tombait sur le beau-père, la belle-mère, les voisins, et battait tout le monde, comme Polichinelle.

Ce n’était pourtant pas un méchant homme. Bien souvent le dimanche, au lendemain d’une de ces tueries, l’ivrogne apaisé, sans le sou pour aller boire, passait la journée chez lui. On sortait les chaises des chambres. On s’installait sur le balcon, ma’me Weber, ma’me Mathieu, tout le garni, et l’on causait. Arthur faisait l’aimable, le bel esprit ; vous auriez dit un de ces ouvriers modèles qui suivent les cours du soir. Il prenait pour parler une voix blanche, doucereuse, déclamait des bouts d’idées ramassées un peu partout, sur les droits de l’ouvrier, la tyrannie du capital. Sa pauvre femme, attendrie par les coups de la veille, le regardait avec admiration, et ce n’était pas la seule.

« Cet Arthur pourtant, s’il voulait ! » murmurait ma’me Weber en soupirant. Ensuite, ces dames le faisaient chanter… Il chantait les