Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/268

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lement de sa boutique. Le grand rouge s’approchait sans avoir l’air de rien, regardait à droite et à gauche, s’il n’y avait pas de chefs, puis, en passant, uit !… Je n’ai jamais vu siffler un verre de vin si lestement. Le malin, c’était de guetter le moment où il avait le coude en l’air, et d’arriver derrière en criant :

« Gare, sergo !… Voilà l’officier. »

On est comme ça dans le peuple de Paris, c’est le sergent de ville qui porte la peine de tout. On s’habitue à les haïr, les pauvres diables, à les regarder comme des chiens. Les ministres font des bêtises, c’est aux sergents de ville qu’on les fait payer, et quand une fois il arrive une bonne révolution, les ministres s’en vont à Versailles, et les sergents de ville dans le canal…

Pour en revenir donc à ce que je vous disais, dès qu’il y avait quelque chose dans Paris, j’étais un des premiers à le savoir. Ces jours-là, on se donnait rendez-vous, tous les petits du quartier, et nous descendions ensemble le faubourg. Il y avait des gens qui criaient :

« C’est rue Montmartre… Non !… à la porte Saint-Denis. »

D’autres qui s’étaient trouvés en course de ce côté-là, revenaient furieux de n’avoir pas pu passer. Les femmes couraient chez les boulangers. On fermait les portes cochères. Tout