Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/271

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fois, personne ne bougeait. On restait là, bien tranquille, les mains dans les poches… Par exemple, au second roulement, on commençait à devenir vert et à regarder de droite à gauche par où il faudrait passer… Au troisième roulement, prrt ! c’était comme un départ de perdreaux, et des cris, des miaulements, un envolement de tabliers, de chapeaux, de casquettes, et puis là-bas derrière, les triques qui commençaient à taper. Non, vrai ! il n’y a pas de pièces de théâtre capables de vous donner de ces émotions-là. On en avait pour huit jours à raconter cela aux autres, et comme ils étaient fiers ceux qui pouvaient dire :

« J’ai entendu la troisième sommation !… »

Il faut dire aussi qu’à ce jeu on risquait quelquefois des morceaux de sa peau. Figurez-vous qu’un jour, à la pointe Saint-Eustache, je ne sais comment le commissaire fit son compte ; mais pas plutôt le second roulement, voilà les municipaux qui partent, la trique en l’air. Je ne restai pas là à les attendre, vous pensez bien. Mais j’avais beau allonger mes petites jambes, un de ces grands diables s’était acharné sur moi et me serrait de si court, de si court, qu’après avoir senti deux ou trois fois le vent de sa trique, je finis par la recevoir en plein sur la tête. Dieu de Dieu ! quelle décharge ! je n’ai jamais vu pareille illumi-