Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/300

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surtout quand on a déjà les jambes un peu lourdes, et les yeux embrouillés par les toasts du réveillon… Enfin M. Majesté arrive chez lui. Il s’arrête devant un grand portail orné, où brille au clair de lune un écusson, doré de neuf, d’anciennes armoiries repeintes dont il a fait sa marque de fabrique :

HÔTEL CI-DEVANT DE NESMOND
MAJESTÉ JEUNE
FABRICANT D’EAU DE SELTZ

Sur tous les siphons de la fabrique, sur les bordereaux, les têtes de lettres, s’étalent ainsi et resplendissent les vieilles armes des Nesmond.

Après le portail, c’est la cour, une large cour aérée et claire, qui, dans le jour, en s’ouvrant, fait de la lumière à toute la rue. Au fond de la cour, une grande bâtisse très ancienne, des murailles noires, brodées, ouvragées, des balcons de fer arrondis, des balcons de pierre à pilastres, d’immenses fenêtres très hautes, surmontées de frontons, de chapiteaux qui s’élèvent aux derniers étages comme autant de petits toits dans le toit, et enfin sur le faîte, au milieu des ardoises, les lucarnes des mansardes, rondes, coquettes, encadrées de guir-