Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/302

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pas l’impressionne. L’escalier lui paraît immense, surtout très lourd à monter. C’est le réveillon sans doute… Arrivé au premier étage, il s’arrête pour respirer et s’approche d’une fenêtre. Ce que c’est que d’habiter une maison historique ! M. Majesté n’est pas poète, oh ! non ; et pourtant, en regardant cette belle cour aristocratique, où la lune étend une nappe de lumière bleue, ce vieux logis de grand seigneur qui a si bien l’air de dormir, avec ses toits engourdis sous leur capuchon de neige, il lui vient des idées de l’autre monde :

« Hein ?… tout de même, si les Nesmond revenaient… »

À ce moment, un grand coup de sonnette retentit. Le portail s’ouvre à deux battants, si vite, si brusquement, que le réverbère s’éteint ; et, pendant quelques minutes, il se fait là-bas, dans l’ombre de la porte, un bruit confus de frôlements, de chuchotements. On se dispute, on se presse pour entrer. Voici des valets, beaucoup de valets, des carrosses tout en glaces miroitant au clair de lune, des chaises à porteurs balancées entre deux torches qui s’avivent au courant d’air du portail. En rien de temps, la cour est encombrée. Mais au pied du perron, la confusion cesse. Des gens descendent des voitures, se saluent, entrent en causant comme s’ils connaissaient la maison. Il y