Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/334

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blanc et noir, en fleur et en graine, sentant l’amande. De beaux faisans au plumage mordoré picotaient là, eux aussi, en baissant leurs crêtes rouges de peur d’être vus. Ah ! ils étaient moins fiers que d’habitude. Tout en mangeant, ils nous demandèrent des nouvelles et si l’un des leurs était déjà tombé. Pendant ce temps, le déjeuner des chasseurs, d’abord silencieux, devenait de plus en plus bruyant ; nous entendions choquer les verres et partir les bouchons des bouteilles. Le vieux trouva qu’il était temps de rejoindre notre abri.

À cette heure on aurait dit que le bois dormait. La petite mare où les chevreuils vont boire n’était troublée par aucun coup de langue. Pas un museau de lapin dans les serpolets de la garenne. On sentait seulement un frémissement mystérieux, comme si chaque feuille, chaque brin d’herbe abritait une vie menacée. Ces gibiers de forêt ont tant de cachettes : les terriers, les fourrés, les fagots, les broussailles ; et puis les fossés, ces petits fossés de bois qui gardent l’eau si longtemps après qu’il a plu. J’avoue que j’aurais aimé être au fond d’un de ces trous-là ; mais mon compagnon préférait rester à découvert, avoir du large, voir de loin et sentir l’air ouvert devant lui. Bien nous en prit, car les chasseurs arrivaient sous le bois.