Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/68

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ses membres, qui nous avait si bien servis jusqu’alors, commençait à se dissiper. Deux ou trois fois déjà, les terribles bordées de la Porte Maillot l’avaient fait bondir, l’oreille dressée comme un chien de chasse ; on fut obligé d’inventer une dernière victoire de Bazaine sous Berlin, et des salves tirées en cet honneur aux Invalides. Un autre jour qu’on avait poussé son lit près de la fenêtre, — c’était, je crois, le jeudi de Buzenval, — il vit très bien des gardes nationaux qui se massaient sur l’avenue de la Grande-Armée.

« — Qu’est-ce que c’est donc que ces troupes-là ? demanda le bonhomme, et nous l’entendions grommeler entre ses dents :

« — Mauvaise tenue ! mauvaise tenue !

« Il n’en fut pas autre chose ; mais nous comprîmes que, dorénavant, il fallait prendre de grandes précautions. Malheureusement on n’en prit pas assez.

« Un soir, comme j’arrivais, l’enfant vint à moi toute troublée :

« — C’est demain qu’ils entrent, me dit-elle.

« La chambre du grand-père était-elle ouverte ? Le fait est que, depuis, en y songeant, je me suis rappelé qu’il avait, ce soir-là, une physionomie extraordinaire. Il est probable qu’il nous avait entendus. Seulement, nous