Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/103

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heureuse et considérée cette jeune femme qui habitait près d’elle, vivait pour ainsi dire de sa vie, et avait été sa compagne d’enfance. Très affectueusement, elle essaya de l’instruire, de l’initier au monde, comme on fait d’une provinciale bien douée à qui il manque peu de chose pour devenir charmante.

Entre deux femmes jolies et jeunes, les conseils ne s’acceptent pas facilement. Quand madame Fromont, un jour de grand dîner, prenait madame Risler dans sa chambre et lui souriait bien en face, pour lui dire sans la fâcher. « Trop de bijoux, mignonne… Et puis, vois-tu avec les robes montantes on ne met pas de fleurs dans les cheveux… » Sidonie rougissait, remerciait son amie, mais au fond de son cœur inscrivait un grief de plus contre elle.

Dans le monde de Claire, on l’avait assez froidement accueillie.

Le faubourg Saint-Germain a ses prétentions ; mais si vous croyez que le Marais n’a pas les siennes !

Ces femmes et ces filles d’industriels, de riches fabricants, savaient l’histoire de la petite Chèbe, l’auraient devinée rien qu’à sa façon de se présenter, d’être parmi elles.

Sidonie avait beau s’appliquer. Il restait en elle de la demoiselle de magasin. Ses amabilités un peu forcées, trop humbles quelquefois, choquaient comme le ton faux des boutiques ; et ses attitudes dédaigneuses rappelaient les mines superbes de ces « premières » qui, dans les magasins de nouveautés, parées de robes