Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/11

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fruits, et le dessert au niveau des visages entourait toute la nappe de gaieté, de couleurs, de lumières.

Oh ! oui, Risler était content. À part son frère Frantz, tous ceux qu’il aimait se trouvaient là. D’abord, en face de lui, Sidonie, hier la petite Sidonie, aujourd’hui sa femme. Pour dîner, elle avait quitté son voile ; elle était sortie de son nuage. À présent, de la robe de soie toute blanche et unie montait un joli visage d’un blanc plus mat et plus doux, et la couronne de cheveux – au-dessous de l’autre couronne si correctement tressée – vous avait des révoltes de vie, des reflets de petites plumes ne demandant qu’à s’envoler. Mais les maris ne voient pas ces choses-là.

Après Sidonie et Frantz, ce que Risler aimait le plus au monde, c’était madame Georges Fromont, celle qu’il appelait « madame Chorche », la femme de son associé, la fille de défunt Fromont, son ancien patron et son dieu. Il l’avait mise près de lui, et dans sa façon de lui parler on sentait de la tendresse et de la déférence. C’était une toute jeune femme, à peu près du même âge que Sidonie, mais d’une beauté plus correcte, plus tranquille. Elle causait peu, dépaysée dans ce monde mêlé, s’efforçant pourtant d’y paraître aimable.

De l’autre côté de Risler se tenait madame Chèbe, la mère de la mariée, qui rayonnait, éclatait dans sa robe de satin vert luisante comme un bouclier. Depuis le matin, toutes les pensées de la bonne femme étaient aussi brillantes que cette robe de teinte emblématique. À tout moment elle se disait à elle-même : « Ma fille épouse Fromont jeune et Risler aîné de la rue des