Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/110

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jolie fleur en papier dans une jardinière en filigrane.

Un soir, à une pièce en vogue du Palais-Royal, parmi les femmes présentes, des célébrités peintes, coiffées de chapeaux microscopiques, armées d’immenses éventails et dont les têtes fardées sortaient de l’ombre des baignoires dans l’échancrure des corsages comme des portraits vaguement animés, l’allure de Sidonie, sa toilette, sa façon de rire et de regarder furent très remarquées. Toutes les lorgnettes de la salle, guidées par ce courant magnétique si puissant sous le lustre, se dirigeaient peu à peu vers la loge qu’elle occupait. Claire finit par en être gênée ; et, discrètement, elle fit passer à sa place son mari qui, par malheur, les avait accompagnés ce soir-là.

Georges, jeune, élégant à côté de Sidonie, avait l’air de son compagnon naturel, tandis que, derrière eux, Risler aîné, toujours si calme, si éteint, semblait bien à sa place près de Claire Fromont qui gardait dans ses vêtements, un peu sombres comme un incognito d’honnête femme au bal de l’Opéra.

En sortant, chacun des deux associés prit le bras de sa voisine. Une ouvreuse dit à Sidonie, en parlant de Georges : « Votre mari… », et la petite femme en eut un rayonnement de plaisir.

Votre mari.

Ce mot si simple avait suffi pour la bouleverser et remuer au fond de son cœur un tas de choses mauvaises. Pendant qu’ils traversaient les couloirs, le foyer, elle regardait Risler et madame « Chorche » marcher devant eux. L’élégance de Claire lui semblait écrasée, vulgarisée