Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/144

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y a les exigences du commerce. C’est au cercle, autour d’une table de bouillotte, que se brassent les grosses affaires, et il faut y aller sous peine d’amoindrir sa maison. Claire croyait cela naïvement. Son mari parti, elle avait d’abord un moment de tristesse. Elle aurait tant aimé le garder près d’elle ou sortir à son bras, prendre un plaisir en commun. Mais la vue de l’enfant, qui gazouillait devant le feu et faisait aller ses petits pieds roses pendant qu’on la déshabillait, avait bien vite calmé la mère. Puis le grand mot « les affaires », cette raison d’État des commerçants, était toujours là pour l’aider à se résigner.

Georges et Sidonie se rencontraient au théâtre. Ce qu’ils éprouvaient d’abord à se trouver ensemble, c’était une satisfaction de vanité On les regardait beaucoup. Elle était vraiment jolie maintenant, et sa physionomie chiffonnée, qui avait besoin de toutes les excentricités de la mode pour faire son véritable effet, se les appropriait si bien qu’on les eût dites inventées exprès pour elle. Au bout d’un moment, ils s’en allaient, et madame Dobson restait seule dans la loge. Ils avaient loué un petit appartement avenue Gabriel, au rond-point des Champs-Élysées, le rêve de ces demoiselles à l’atelier Le Mire, deux pièces luxueuses et calmes où le silence des quartiers riches, traversé seulement des voitures qui roulaient, enveloppait délicieusement leur amour. Peu à peu, quand elle eut pris l’habitude de sa faute, il lui vint des audaces, des fantaisies. De ses anciens jours de travail, elle avait gardé au fond de sa mémoire des noms de bals, de restaurants fameux