Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/156

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aussi les avaient rencontrés. À la fabrique on ne parlait plus que de cela. Risler seul ne se doutait de rien.

– Mais c’est votre devoir de le prévenir, déclara mademoiselle Planus.

Le caissier prit un air grave.

– C’est très délicat… Qui sait d’abord s’il voudrait me croire ? Il y a des aveugles si aveugles… Et puis, en me mettant entre les deux associés, je risque de perdre ma place… Oh ! les femmes… les femmes… Dire que ce Risler aurait pu être si heureux. Lorsque je l’ai fait venir du pays avec son frère, il n’avait pas le sou ; et aujourd’hui il est à la tête d’une des premières maisons de Paris… Vous croyez qu’il va se tenir tranquille !… Ah ! bien oui… Il faut que monsieur se marie… Comme si on avait besoin de se marier… Et encore il épouse une Parisienne, un de ces petits chiffons mal peignés qui sont la ruine d’une maison honnête, quand il avait sous la main une brave fille à peu près de son âge, une enfant du pays, habituée au travail, et crânement charpentée, on peut le dire !…

Mademoiselle Planus, ma sœur, à la charpente de laquelle il était fait allusion, avait une occasion superbe de s’écrier : « Oh ! les hommes… les hommes… » mais elle garda le silence. Ceci était une question très délicate, et peut-être, en effet, que si Risler avait voulu dans le temps, il eût été le seul…

Le vieux Sigismond continua :

– Et voilà où nous en sommes… Depuis trois mois, la première fabrique de papiers peints de Paris est accrochée aux volants de cette rien-du-tout. Il faut voir