Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/160

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fermée par un paravent, et sur un fourneau, grand comme une chaufferette, les plats cuisaient discrètement. Le calme, voilà le rêve de cette pauvre femme agitée à toutes les tergiversations d’un compagnon incommode.

Dès les premiers jours, M. Chèbe avait fait écrire en lettres d’un pied sur la peinture fraîche de sa devanture :

COMMISSION – EXPORTATION

Pas de mention spéciale. Ses voisins vendaient du tulle, du drap, des toiles ; lui était disposé à tout vendre, sans se résigner à savoir au juste quoi. Que de raisonnements cela valait à madame Chèbe, le soir à la veillée !

– Je ne me connais pas en toile : mais pour les draps j’en réponds. Seulement, si je fais les draps, il me faut un voyageur ; car c’est de Sedan et d’Elbeuf que viennent les meilleures sortes. Les toiles peintes, je n’en parle pas, il faudrait être en été. Pour le tulle, c’est impossible : la saison est trop avancée.

Le plus souvent il terminait son incertitude, en disant :

– La nuit porte conseil… allons nous coucher. Et il y allait au grand soulagement de sa femme.

Après trois ou quatre mois de cette existence, M Chèbe commença à s’ennuyer. Les douleurs de tête, les étourdissements revinrent petit à petit. Le quartier était bruyant, malsain. D’ailleurs les affaires