Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/163

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singulier intérieur assez pareil à un lendemain de faillite. Silencieux, la bouche pincée dédaigneusement dans une résolution de mutisme, il avait l’air de dire à la vieille fille : « La journée est finie… c’est l’heure de rentrer chez soi… » Et pendant ce temps on entendait madame Chèbe qui sanglotait dans l’arrière-boutique, en allant et venant autour du souper. Mademoiselle Planus en fut pour sa visite.

– Eh bien ? lui demanda le vieux Sigismond, qui l’attendait avec impatience.

– Ils n’ont pas voulu me croire, et on m’a mise poliment à la porte.

Elle en avait les larmes aux yeux, de son humiliation. Le vieux devint tout rouge, et lui prenant la main avec un grand respect :

– Mademoiselle Planus, ma sœur, lui dit-il gravement, je vous demande pardon de vous avoir fait faire cette démarche ; mais il s’agissait de l’honneur de la maison Fromont.

À partir de ce moment, Sigismond devint de plus en plus triste. Sa caisse ne lui paraissait plus sûre ni solide. Même quand Fromont jeune ne lui demandait pas d’argent, il avait peur et résumait toutes ses craintes par trois mots qui lui revenaient continuellement en causant avec sa sœur.

– Chai bas confianze !… disait-il dans son lourd jargon de là-bas.

Toujours préoccupé de sa caisse, la nuit il rêvait quelquefois que, disjointe de partout elle restait ouverte