Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/19

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Chèbe souriant maternellement à tout le monde dans sa robe à reflets de scarabée.

D’ailleurs il se trouvait là comme à presque toutes les noces deux courants bien distincts qui se frôlaient sans se confondre. L’un des deux fit bientôt place à l’autre. Ces Fromont qui irritaient tant M. Chèbe et qui formaient l’aristocratie du bal, le président de la chambre de commerce, le syndic des avoués, un fameux chocolatier député au Corps législatif, le vieux millionnaire Gardinois, tous se retirèrent un peu après minuit. Derrière eux, Georges Fromont et sa femme remontèrent dans leur coupé. Il ne resta plus que le côté Risler et Chèbe, et aussitôt la fête, changeant d’aspect, devint plus bruyante.

L’illustre Delobelle, fatigué de voir qu’on ne lui demandait rien, s’était décidé à se demander quelque chose à soi-même, et commençait d’une voix retentissante comme un gong le monologue de Ruy-Blas : « Bon appétit, messieurs !… » pendant qu’on se pressait au buffet devant les chocolats et les verres de punch. De petites toilettes économiques s’étalaient sur les banquettes, heureuses de faire enfin leur effet, et ça et là des petits jeunes gens de boutique, dévorés de gandinerie, s’amusaient à risquer un quadrille. Depuis longtemps la mariée voulait partir. Enfin elle disparut avec Risler et madame Chèbe. Quant à M. Chèbe, qui avait recouvré toute son importance, impossible de l’emmener. Il fallait quelqu’un pour faire les honneurs, que diantre !… Et je vous réponds que le petit homme s’en chargeait ! Il était rouge, allumé, fringant, turbulent,