Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/207

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Sans bouger du divan, sans même lever les yeux sur lui, elle répondit :

– À tous les deux.

Il fut un peu déconcerté par tant d’aplomb.

– Vous avouez donc que cet homme est votre amant ?

– Tiens !… parbleu !…

Frantz la regarda une minute, sans parler. Elle avait pâli, elle aussi, malgré son calme, et l’éternel petit sourire ne frétillait plus au coin de la bouche.

Alors, lui :

– Écoutez-moi bien, Sidonie. Le nom de mon frère, ce nom qu’il a donné à sa femme, est le mien aussi. Puisque Risler est assez fou, assez aveugle pour le laisser déshonorer par vous, c’est à moi qu’il appartient de le défendre contre vos atteintes… Donc, je vous engage à prévenir monsieur Fromont qu’il ait à changer de maîtresse au plus vite, et qu’il aille se faire ruiner ailleurs… Sinon…

– Sinon ? demanda Sidonie, qui pendant qu’il parlait, n’avait cessé de jouer avec ses bagues.

– Sinon j’avertis mon frère de ce qui se passe chez lui, et vous serez surprise du Risler que vous connaîtrez alors aussi violent, aussi redoutable qu’il est inoffensif d’ordinaire. Ma révélation le tuera peut-être, mais vous pouvez être sûre qu’il vous tuera avant.

Elle haussa les épaules :

– Eh ! qu’il me tue… Qu’est-ce que ça me fait ?

Ce fut dit d’un air si navré, si détaché de tout, que Frantz, malgré lui, se sentit un peu de pitié pour cette