Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/232

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qu’il se demanda deux ou trois fois pourquoi il était là et ce qu’il attendait. Mais l’idée de Sidonie jaillissait de ces pensées sans suite et les éclairait d’une pleine lumière.

Elle allait venir.

Et machinalement, quoique l’heure du rendez-vous fût encore bien éloignée, il regardait parmi ces gens qui se pressaient, s’appelaient, cherchant s’il n’apercevrait pas cette silhouette élégante sortie tout à coup de la foule et l’écartant à chaque pas au rayonnement de sa beauté.

Après bien des départs, des arrivées, des coups de sifflet dont le cri captif sous les voûtes ressemblait à un déchirement, il se fit un grand vide dans la gare, déserte subitement comme une église en semaine. Le train de dix heures approchait. Il n’y en avait plus d’autre avant celui-là. Frantz se leva. Maintenant ce n’était plus un rêve, une chimère perdue dans ces limites du temps si vastes, si incertaines.

Dans un quart d’heure, une demi-heure au plus tard, elle serait là. Alors commença pour lui l’horrible supplice de l’attente, cette suspension de tout l’être, singulière situation du corps et de l’esprit, où le cœur ne bat plus, où la respiration halète comme la pensée, où les gestes, les phrases restent inachevés, où tout attend. Les poètes l’ont cent fois décrite, cette angoisse douloureuse de l’amant qui écoute le roulement d’une voiture dans la rue déserte, un pas furtif montant l’escalier.

Mais attendre sa maîtresse dans une gare, dans une