Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/233

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salle d’attente, c’est bien autrement lugubre. Ces quinquets allumés et sourds, sans reflet sur un plancher poussiéreux, ces grandes baies vitrées, cet incessant bruit de pas et de portes qui sonne aux oreilles inquiètes, la hauteur vide des murs, ces affiches qui s’y étalent : « train de plaisir pour Monaco, promenade circulaire en Suisse », cette atmosphère de voyage, de changement, d’indifférence, d’inconstance, tout est bien fait pour serrer le cœur et augmenter son angoisse.

Frantz allait, venait, guettant les voitures qui arrivaient. Elles s’arrêtaient aux longues marches de pierre. Les portières s’ouvraient, se refermaient bruyamment, et de l’ombre du dehors les visages apparaissent en lumière sur le seuil, figures tranquilles ou tourmentées, heureuses ou navrées, chapeaux à plumes serrés de voiles clairs, bonnets de paysannes, enfants endormis qu’on traînait par la main. Chaque apparition nouvelle le faisait tressaillir. Il croyait la voir hésitante, voilée, un peu embarrassée. Comme il serait vite auprès d’elle pour la rassurer, pour la défendre.

À mesure que la gare s’emplissait, le guet devenait plus difficile. Les voitures se succédaient sans interruption. Il était obligé de courir d’une porte à l’autre. Alors il sortit, pensant qu’il serait mieux dehors pour voir, et ne pouvant supporter plus longtemps dans l’air banal et étouffé de la salle l’oppression qui commençait à l’étreindre.

Il faisait un temps mou de la fin de septembre. Un brouillard léger flottait, et les lanternes des voitures apparaissaient troubles et mates au bas de la grande