Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/258

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d’elle, sortir de cet endroit affreux où le sommeil avait le souffle si lourd et des poses si tourmentées.

– Messieurs, je vous en prie, dit-elle toute tremblante, laissez-moi retourner chez maman.

Si endurcis qu’ils fussent aux drames parisiens, ces braves gens comprenaient bien qu’ils étaient en face de quelque chose de plus distingué, de plus émouvant que d’ordinaire. Seulement ils ne pouvaient pas la reconduire encore chez sa mère. Il fallait aller chez le commissaire auparavant. C’était indispensable. On fit approcher un fiacre par pitié pour elle ; mais il fallut sortir du poste, et il y en avait du monde à la porte pour regarder passer la petite boiteuse avec ses cheveux mouillés, collés aux tempes et son caban de sergo qui ne l’empêchait pas de grelotter. Au commissariat, on lui fit monter un escalier sombre et humide dans lequel allaient et venaient des figures patibulaires. Une porte battante que la banalité du service public ouvrait et fermait à chaque instant, des pièces froides, mal éclairées, sur les bancs des gens silencieux, abasourdis, endormis, des vagabonds, des voleurs, des filles, une table couverte d’un vieux tapis vert où écrivait « le chien du commissaire », un grand diable à tête de pion, à redingote râpée ; c’était là.

Quand Désirée entra, un homme se leva de l’ombre et vint au-devant d’elle en lui tendant la main. C’était l’homme à la prime, son hideux sauveur à vingt-cinq francs.

– Eh bien, la petite mère, lui dit-il avec son rire cynique et sa voix qui faisait penser à des nuits de