Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/261

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extraordinaire, et la concierge, en montant les provisions, avait trouvé la pauvre maman à moitié folle, courant d’une chambre à l’autre, cherchant un mot de l’enfant, une trace si petite qu’elle fût, qui pût la conduire au moins à une conjecture.

Dans l’esprit de cette malheureuse mère, une tardive lumière s’était faite tout à coup sur l’attitude de sa fille pendant ces derniers jours, sur son silence à propos du départ de Frantz. « Ne pleure pas, ma femme… je la ramènerai… » avait dit le père en sortant, et depuis qu’il était parti autant pour s’informer que pour se soustraire au spectacle de cette grande douleur, elle ne faisait qu’aller et venir du palier à la fenêtre, de la fenêtre au palier. Au moindre pas dans l’escalier, elle ouvrait la porte avec un battement de cœur, s’élançait dehors : puis, quand elle rentrait, la solitude du petit logis encore accrue par le grand fauteuil vide de Désirée, tourné à demi vers la table de couture, la faisait fondre en larmes.

Tout à coup une voiture s’arrêta en bas devant la porte. Des voix, des pas résonnèrent dans la maison.

– Mame Delobelle, la voilà !… Votre fille est trouvée.

C’était bien Désirée qui montait, pâle, défaillante, au bras d’un inconnu, sans châle ni chapeau, entourée d’une grande capote brune. En apercevant sa mère, elle lui sourit d’un petit air presque niais.

– Ne t’effraie pas, ce n’est rien… essaya-t-elle de dire, puis elle s’affaissa sur l’escalier. Jamais la maman Delobelle ne se serait crue si forte. Prendre sa fille,