Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Qu’est-ce que tu as donc, Bichette ?…, Est-ce que tu te sens plus malade ?

Un mouvement de la petite tête pâle de Désirée répondit qu’elle se sentait en effet malade, et qu’elle voudrait lui parler de tout près, de tout près. Quand il fut arrivé au chevet de son lit, elle posa la main brûlante sur le bras du grand homme et chuchota tout bas à son oreille… Elle était très mal, tout à fait mal. Elle comprenait bien qu’elle n’avait plus longtemps à vivre.

– Alors, père, vous vous trouverez tout seul avec maman… Ne tremblez donc pas comme cela… Vous saviez bien que cette chose devait arriver, qu’elle était même très prochaine… Seulement je vais vous dire… moi partie, j’ai bien peur que maman ne soit pas assez forte pour faire aller la maison… Regardez comme elle est pâle et fatiguée.

Le comédien regarda sa « sainte femme » et parut très étonné de lui trouver en effet si mauvaise mine. Puis il se consola avec une remarque égoïste.

– Elle n’a jamais été bien forte…

Cette observation et le ton dont elle fut faite, indignèrent Désirée, l’affermirent dans sa résolution. Elle continua, sans pitié pour les illusions du comédien :

– Qu’allez-vous devenir tous les deux quand je ne serai plus là ?… Oui je sais, vous avez de grandes espérances, mais elles sont bien longues à se réaliser. Ces résultats que vous attendez depuis si longtemps peuvent tarder encore ; et d’ici-là comment ferez-vous ?… tenez ! mon cher père je ne voudrais pas vous faire de la peine, mais il me semble qu’à votre âge, intelligent