Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/289

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souci de la vieille cloche qui, après avoir si longtemps mené le travail, semblait maintenant sonner l’alarme et la déroute. On faisait encore des affaires, parce qu’une maison lancée marche seule pendant des années par la force de la première impulsion ; mais quel gâchis, quel désarroi sous cette prospérité apparente !

Sigismond le savait mieux que personne, et voilà pourquoi le cri du petit homme bleu l’avait si brusquement tiré de son sommeil. Comme pour y voir plus clair dans cette multitude d’idées douloureuses qui se pressaient, s’agitaient, tourbillonnaient devant lui, le caissier avait allumé sa bougie, et, assis sur son lit, il songeait… Où trouver ces cent mille francs ? Certainement il était dû plus que ça à la maison. Il y avait de vieilles notes qui traînaient chez les clients, un reliquat de compte avec les Prochasson et d’autres ; mais quelle humiliation ce serait pour lui d’aller ramasser toutes ces anciennes factures. Ces choses-là ne se font pas dans le haut commerce ; on a l’air d’une maison de pacotille. Et pourtant cela valait encore mieux qu’un protêt… Oh ! l’idée que le garçon de banque arriverait devant son grillage, la mine assurée et confiante, qu’il poserait ses billets tranquillement sur la tablette, et que lui Planus, Sigismond Planus, serait obligé de dire.

– Remportez vos traites… Je n’ai pas d’argent pour faire face…

Non, non. Ce n’était pas possible. Toutes les humiliations étaient préférables à celle-là.

– Allons, c’est dit… J’irai en tournée demain, soupirait le pauvre caissier.