Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/302

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gens se regardèrent en hochant la tête. Ils avaient compris.

L’étourdissement du coup reçu avait été si terrible, que le caissier, une fois dehors, fut obligé de s’asseoir sur un banc. Voilà donc pourquoi Georges ne prenait plus d’argent à la caisse. Il faisait ses rentrées lui-même. Ce qui s’était passé chez les Prochasson avait dû se passer partout ailleurs. Il était donc bien inutile de s’exposer à des humiliations nouvelles. Oui ; mais l’échéance, l’échéance !… Cette idée lui redonna des forces. Il essuya son front plein de sueur et se remit en route pour tenter encore une démarche chez un de leurs clients du faubourg. Seulement, cette fois, il prit ses précautions ; et du seuil, sans même entrer, il cria au caissier :

– Bonjour, père chose… Un petit renseignement, je vous prie…

Il tenait la porte entr’ouverte, la main crispée sur le bouton.

– À quelle époque avons-nous donc réglé notre dernière facture ? J’ai oublié de l’inscrire.

Oh ! il y avait longtemps, bien longtemps que leur facture était réglée. Le reçu de Fromont jeune portait la date de septembre. Il y avait cinq mois. La porte se referma vivement. Et de deux ! Évidemment ce serait partout la même chose.

« Ah ! monsieur Chorche, monsieur Chorche… » murmurait le pauvre Sigismond, et pendant qu’il continuait son pèlerinage, le dos voûté, les jambes tremblantes, la voiture de madame Fromont jeune passa tout