Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/329

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Et le bon Risler tout attendri tendit la main à son ami, qui retira la sienne brusquement. Ce mouvement de recul fut si instinctif, si violent, que toute l’émotion de Risler se changea en indignation. Il se redressa sévèrement :

– Je te tends la main, Sigismond Planus, dit-il !

– Et moi, je ne te la donne pas…, fit Planus en se levant.

Il y eut un silence terrible, pendant lequel on entendit là-haut la musique étouffée de l’orchestre et le bruit du bal, ce bruit lourd et bête des planchers secoués par le rythme de la danse.

– Pourquoi refuses-tu de me donner la main ? demanda simplement Risler, tandis que le grillage sur lequel il s’appuyait tremblait d’un frémissement métallique.

Sigismond était en face de lui ses deux mains sur son bureau, comme pour bien mettre en place et d’aplomb ce qu’il allait répondre :

– Pourquoi ?… Parce que vous avez ruiné la maison, parce que tout à l’heure, à la place où vous êtes, on viendra de la Banque chercher cent mille francs et que, grâce à vous, je n’ai pas un sou dans ma caisse… voilà !

Risler était stupéfait :

– J’ai ruiné la maison, moi ?… moi ?…

– Pis que cela, monsieur… Vous l’avez fait ruiner par votre femme, et vous vous êtes arrangé pour bénéficier de notre ruine et de votre déshonneur. Oh ! je vois clair dans votre jeu, allez. L’argent que votre