Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/334

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bracelets et des boucles, et surtout l’agrafe magnifique de sa rivière de diamants, où l’initiale de son nom, une S scintillante, semblait un serpent endormi, prisonnier dans un cercle d’or. Risler, trouvant que c’était trop long, rompait brutalement les frêles attaches. Le luxe criait sous ses doigts comme châtié.

– À mon tour, dit-il ensuite… il faut que je donne tout, moi aussi… Voilà mon portefeuille… Qu’est-ce que j’ai encore ?… qu’est-ce que j’ai encore ?…

Il cherchait, se fouillait fébrilement.

– Ah ! ma montre… Avec la chaîne il y en a pour mille francs… Mes bagues, mon alliance… Tout à la caisse, tout. Nous avons cent mille francs à payer ce matin… Dès qu’il fera jour, il va falloir se mettre en campagne, vendre, liquider. Je connais quelqu’un qui a envie de la maison d’Asnières. Ce sera tout de suite fait.

Il parlait, il agissait seul. Sigismond et madame Georges le regardaient sans rien dire. Quant à Sidonie, elle semblait inerte, inconsciente. L’air froid qui venait du jardin par la petite porte entr’ouverte lors de l’évanouissement de Risler, la faisait frissonner, et elle ramenait machinalement autour d’elle les plis de son écharpe, les yeux fixes, la pensée perdue. Entendait-elle au moins les violons de son bal qui lui arrivaient aux intervalles de silence, comme une ironie féroce, avec le bruit lourd des danseurs ébranlant les planchers ?… Une main de fer, s’abattant sur elle, la tira de sa torpeur subitement. Risler l’avait prise par le bras et l’amenant devant la femme de son associé :

– À genoux, lui dit-il.