Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

paisibles et rares, le bruit des cloches sonnant vêpres tombait mélancoliquement, et quelquefois un écho du tumulte parisien, des roues en mouvement, un orgue attardé, la cliquette d’une marchande de plaisirs, traversaient ce silence comme pour l’augmenter encore.

Risler cherchait des combinaisons de fleurs et de feuillages, et pendant qu’il maniait son crayon, sa pensée, qui ne trouvait pas là une application suffisante, lui échappait, allait au bonheur passé, aux catastrophes inoubliables, souffrait le martyre, puis en revenant demandait au pauvre somnambule, toujours assis à sa table : « Qu’est-ce que tu as fait en mon absence ? » Hélas ! il n’avait rien fait.

Oh ! les longs, les tristes, les cruels dimanches ! Songez qu’il se mêlait à tout cela dans son âme cette superstition du peuple pour les jours fériés, pour ce bon repos de vingt-quatre heures où l’on retrouve du courage et des forces. S’il était sorti, la vue d’un ouvrier accompagné d’un enfant et d’une femme l’aurait fait sangloter, mais sa réclusion de trappiste lui gardait d’autres souffrances, le désespoir des solitaires, leurs révoltes terribles quand le dieu auquel ils se sont consacrés ne répond pas à leurs sacrifices. Or le dieu de Risler c’était ! le travail, et comme il ne trouvait plus en lui l’apaisement ni la sérénité, il n’y croyait plus et le maudissait.

Souvent, dans ces heures de combat, la salle de dessin s’ouvrait doucement, et Claire Fromont apparaissait. L’isolement du pauvre homme par ces longs après-midi du dimanche lui faisait pitié, et elle venait lui tenir