Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/379

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d’étape en étape jusqu’au plus profond de l’enfer parisien, sans que rien au monde soit assez fort pour la ramener à l’air pur et à la lumière.

Et comme elle semblait à l’aise dans son cabotinage ! Avec quel aplomb elle s’avançait sur cette estrade ! Ah ! si elle avait pu voir le regard désespéré et terrible qui la fixait là-bas dans la salle, embusqué derrière une colonne, son sourire n’aurait pas eu cette placidité impudique, sa voix n’aurait pas trouvé ces inflexions câlines et langoureuses pour roucouler la seule romance que madame Dobson eût jamais pu lui apprendre :

Pauv’ pitit mam’zelle Zizi
C’est l’amou, l’amou qui tourne
La tête à li.

Risler s’était levé, malgré les efforts de Planus.

– Assis… assis…, lui criait-on.

Le malheureux n’entendait rien. Il regardait sa femme.

C’est l’amou, l’amou qui tourne
La tête à li,

répétait Sidonie en minaudant.

Une minute il se demanda s’il n’allait pas bondir sur l’estrade et tout tuer. Il lui passait des lueurs rouges dans les yeux et comme un aveuglement de fureur. Puis tout à coup la honte et le dégoût le prirent, et il se précipita dehors en renversant les chaises, les tables, poursuivi par l’effarement et les imprécations de tous ces bourgeois scandalisés.