Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/44

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Quand ils n’étaient que tous les trois, l’amitié d’enfance qui les faisait égaux ne laissait entre eux aucune gêne, mais il venait des visites, des amies de pension, entre autres une grande fille toujours richement mise, que la femme de chambre de sa mère amenait le dimanche jouer avec les petits Fromont.

Rien qu’en la voyant monter le perron, pomponnée et dédaigneuse, Sidonie avait envie de s’en aller tout de suite. L’autre l’embarrassait de questions maladroites… Où demeurait-elle ? Que faisaient ses parents ? Est-ce qu’elle avait une voiture ?…

En les entendant causer du couvent, de leurs amies, Sidonie sentait qu’elles vivaient dans un monde à part, à mille lieues du sien, et une mortelle tristesse la prenait, surtout lorsqu’au retour sa mère lui parlait d’entrer comme apprentie chez une demoiselle Le Mire, amie des Delobelle, qui avait, rue du Roi-Doré, un grand magasin de perles fausses.

Risler tenait beaucoup à cette idée d’apprentissage pour la petite « Qu’elle apprenne un métier, disait ce brave cœur… Moi, plus tard, je me charge de lui acheter un fonds… »

Justement, cette demoiselle Le Mire parlait de se retirer dans quelques années. C’était une occasion.

Un matin, triste matin de novembre, son père la conduisit rue du Roi-Doré, au quatrième étage d’une vieille maison, encore plus vieille, encore plus noire que la sienne. En bas, au coin de l’allée, étaient pendues une foule de plaques à lettres d’or : Fabrique de nécessaires,