Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/45

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chaînes en doublé, jouets d’enfants, instruments de précision en verre, bouquets pour mariées et demoiselles d’honneur, spécialité de fleurs des champs et, tout en haut, une petite vitrine poussiéreuse où des colliers de perles jaunies, des raisins et des cerises en verre entouraient le nom prétentieux d’Angélina Le Mire.

L’horrible, maison ! Ce n’était même plus ce large palier des Chèbe, sombre de vieillesse, mais égayé par sa fenêtre et le bel horizon que la fabrique lui faisait… Un escalier étroit, une porte étroite, une enfilade de pièces carrelées, toutes petites et froides, et dans la dernière une vieille demoiselle avec un tour de boucles, des mitaines en filet noir, en train de lire une livraison crasseuse du Journal pour tous, et paraissant très contrariée qu’on la dérangeât de sa lecture.

Mademoiselle Le Mire (en deux mots) reçut le père et la fille sans se lever, parla longuement de sa position perdue, de son père, un vieux gentilhomme du Rouergue, – c’est inouï ce que le Rouergue a déjà produit de vieux gentilshommes ! – et d’un intendant infidèle qui avait emporté toute leur fortune. Elle fut tout de suite très sympathique à M. Chèbe, pour qui les déclassés avaient un attrait irrésistible, et le bonhomme partit enchanté, en promettant à sa fille de venir la chercher le soir, à sept heures, suivant les conventions faites.

Sur-le-champ, l’apprentie fut introduite dans l’atelier encore vide. Mademoiselle Le Mire l’installa devant