Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/67

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fer rouillé, vieux vases rongés de pluie où les fleurs nouvelles ressortaient vivement sur la pierre rousse. À perte de vue, les murs s’étendaient, effrités et penchants, descendant par une pente douce jusqu’à la rivière. Le château les dominait de ses grands toits d’ardoises, la ferme de ses tuiles rouges, et le parc merveilleux de ses tilleuls, de ses frênes, de ses peupliers, de ses marronniers qui s’entremêlaient en une ligne touffue et noire, ouverte de temps en temps par l’arcade des allées.

Mais le charme de la vieille propriété c’était l’eau, l’eau qui animait son silence, solennisait ses aspects. Il y avait à Savigny, sans compter la rivière, des sources, des fontaines, des étangs où le soleil se couchait dans toute sa gloire ; et cela allait bien à cette antique maison, moussue, verdie, un peu rongée comme une pierre au bord d’un ruisseau.

Malheureusement à Savigny, comme dans la plupart de ces admirables palais d’été parisiens dont les parvenus du commerce et de la spéculation ont fait leur proie, les châtelains n’étaient pas en harmonie avec le château. Depuis qu’il avait acheté son château, le vieux Gardinois ne s’occupait qu’à défaire ce que le hasard lui avait fourni si beau, abattait des arbres « pour la vue », hérissait son parc de clôtures baroques contre les maraudeurs, et gardait toute sa sollicitude pour un superbe potager, qui rapportant des fruits et des légumes en quantité, lui semblait plus de sa terre à lui, de la terre de paysan.