Page:Daudet - Jack, I.djvu/131

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— Je ne demande pas mieux que de réciter quelque chose… Mais, quoi ?… Je ne sais vraiment rien…

Il se tourna vers Moronval par ce mouvement cher à tous les poëtes qui ne demandent en général un avis qu’avec la ferme résolution de ne pas le suivre :

— Qu’est-ce qu’il faut que je dise ?

— Eh bien, répondit l’autre d’un ton maussade, puisqu’on te demande le Credo, dis le Credo.

— Vraiment !… Vous le voulez ?

— Oh ! oui, monsieur, dit la comtesse, vous me rendrez bien heureuse.

— Allons !… fit d’Argenton très naturellement ; et, bien campé, le regard levé, il chercha une minute, puis commença ainsi :

À une qui m’a fait du mal…

En voyant l’étonnement d’Ida, qui attendait autre chose, il reprit d’un air plus solennel encore :

À une qui m’a fait du mal…

La comtesse et Moronval échangèrent un regard significatif. Sans doute il s’agissait de la grande dame en question.

Le morceau commençait très doucement, sur le ton d’une épître mondaine :

Madame, vous avez une toilette exquise.

Puis l’idée s’assombrissait, passait de l’ironie à