Page:Daudet - Jack, I.djvu/146

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projet, et ne se gênait pas pour dire tout haut sa pensée sur ce monsieur.

Un jeudi matin, Jack, qu’on ne faisait plus sortir que rarement, regardait avec tristesse, par les vitres nombreuses de la rotonde de récréation, un beau ciel de printemps, tout bleu, large ouvert, qui faisait rêver de promenade et de liberté.

Le soleil était déjà chaud, les branches des lilas pointées de vert, et la terre inculte du petit jardin avait des soulèvements de vie, comme des bruissements de sources invisibles. Du passage, il venait des cris d’enfants, d’oiseaux en cage. C’était un de ces matins où toutes les fenêtres s’ouvrent pour laisser entrer un peu de lumière dans les maisons et s’évaporer les ombres de l’hiver, tout ce noir dont la longueur des nuits et la fumée des feux emplissent les chambres longtemps closes.

Jack pensait que ce serait bon par un matin pareil de sortir un peu du gymnase, d’avoir un autre horizon que le grand mur tapissé de lierre au pied duquel le jardin finissait dans des amas de cailloux verdis, de feuilles mortes.

Juste à ce moment, la sonnette s’ébranla au-dessus de la porte ; il vit entrer sa mère en grande toilette, radieuse, pressée, emportée par une agitation extraordinaire.

Elle venait le chercher pour l’emmener au bois. On ne rentrerait que le soir. Une vraie partie fine, comme ils en faisaient autrefois.