Page:Daudet - Jack, I.djvu/160

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ridors sombres où, soi-disant se traînait son enfance maladive, n’avaient jamais existé dans un vieux château perdu au fond des montagnes, mais dans le petit hôtel garni que sa tante dirigeait rue de Fourcy, parmi cet enchevêtrement de ruelles tortueuses et humides qui entourent l’église Saint-Paul. Elle était auvergnate, la brave femme, et chacun se souvenait de l’avoir entendue crier à son neveu, dans ces mêmes corridors sombres : « Amaury, mon garçon, monte-moi la clé du ché bi (du sept bis). » Et le vicomte montait la clé du ché bi.

Ces railleries féroces contre le poëte qu’il détestait amusaient l’enfant ; mais quelque chose l’empêchait de rire, de se mêler à la gaîté bruyante des « petits pays chauds, » enchantés de témoigner de leur bassesse à chaque plaisanterie de Moronval. C’est que toujours à la suite de ces révélations burlesques, arrivaient des allusions à une autre personne que Jack tremblait de reconnaître, bien qu’aucun nom ne fût prononcé. On eût dit qu’un lien quelconque unissait dans l’esprit des convives Amaury d’Argenton, ce grand homme raté, bellâtre, ridicule, et cette autre personne que l’enfant adorait et respectait par dessus tout.

Il y avait principalement un certain duché de Barancy qui revenait dans toutes les conversations.

— Où le placez-vous, ce duché-là, criait Labassindre, en Touraine, ou bien au Congo ?

— Il faut convenir en tout cas qu’il est joliment