Page:Daudet - Jack, I.djvu/170

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Pelotonné sous ses couvertures pour se soustraire aux terribles vents coulis cinglant et sifflant à travers le dortoir comme des lanières, Jack suivait dans son esprit la route imaginaire qu’avait prise Mâdou-Ghézo. Il le voyait blotti au bord d’un fossé, au coin d’un bois, subissant la rafale et l’ondée, et la petite casaque rouge impuissante à le défendre contre les colères de la saison.

Eh ! bien, non, la réalité était encore plus sinistre que toutes ces suppositions.

— Il est retrouvé ! cria Moronval un matin en se précipitant dans la salle à manger au moment où l’institution allait se mettre à table… Il est retrouvé. J’ai reçu l’avis de la préfecture de police… Vite, mon chapeau, ma canne… je cours le réclamer au dépôt.

Il était dans un état cruel d’indignation, de joie méchante.

Autant pour flatter le maître que pour satisfaire ce besoin de crier qui les distinguait, les « petits pays chauds » accueillirent la nouvelle par un hourrah formidable. Jack ne mêla pas sa voix à ce hurlement de triomphe, et tout de suite il pensa : « Ah ! le pauvre Mâdou. »

Mâdou était au dépôt, en effet, depuis la veille. C’est là, dans ce cloaque, au milieu de malfaiteurs, de vagabonds, d’un tas humain vautré de paresse, de dégoût, de fatigue ou d’ivrognerie, pêle-mêle sur des